Le kératocône - comprendre
Le kératocône (du grec kerato, cornée et konos, cône) est une pathologie oculaire bilatérale, asymétrique, non inflammatoire caractérisée par un amincissement et un bombement de la cornée. Cette maladie débute généralement pendant l’adolescence. Son évolution est lente et sa progression est maximale entre 10 et 20 ans et rare après 35 ans.(1)
Les causes de l'apparition d'un kératocône : plusieurs théories mécaniques, biologiques, et génétiques sont débattues encore actuellement. Toutes s'intriquent entre elles, la théorie mécanique prédomine.
Des travaux qui reposent sur l’analyse de la cornée par diffraction aux rayons X suggèrent que le kératocône pourrait être lié à un glissement des fibres de collagène.(2) Le stroma cornéen subirait donc, par le frottement oculaire notamment (3), des contraintes en torsion ainsi qu’une compression de ses fibres de collagène, contribuant à son instabilité biomécanique. Pour appuyer cette théorie, une corrélation positive entre le frottement des yeux et l'aggravation du kératocône a été décrite.(3) Le frottement oculaire ou des positions de type compression main/oreiller seraient alors en cause dans le kératocône. La majorité des syndromes génétiques associés au kératocône appartiennent à l’un des groupes suivants : troubles tissulaires avec élasticité anormale du collagène, anomalie de fonction rétinienne avec stimulation oculodigitale, atopie ou eczéma avec frottement oculaire (3).
Les aspects cornéens dans le kératocône
L’épithélium présente un aspect irrégulier, selon les stades : amincissement et épaississement (au niveau du stroma le plus fin).(4)
La couche de Bowman, normalement hyporeflective en OCT et d’épaisseur uniforme, peut présenter des variations d’épaisseurs, des ruptures, des interruptions ou absences focales plus grandes et des zones cicatricielles.(4)
Dans le stroma, toutes les couches sont atteintes : on observe classiquement une diminution du nombre de lamelles de collagène, qui présentent une désorganisation spatiale, pouvant donner dans certains cas les stries de Vogt.(4) Les nerfs sont visibles car tortueux et épaissis.
Si la membrane de Descemet et l’endothélium sont longtemps conservés dans le kératocône, les stades avancés peuvent s’accompagner de plis et de zones de rupture de la membrane de Descemet. (4)
Les signes cliniques, ce que ressent le patient atteint d'un kératocône :
Une baisse de vision, diplopie (vision double), halot ("éblouissement"lié à la diffusion de la lumière lorsqu'il traverse la cornée déformée, notamment en condition nocturne).
Il n’est pas rare non plus de porter le diagnostic lors d’un examen systématique, notamment lors d’un bilan préopératoire d’un(e) patient(e) demandeur de chirurgie réfractive. Dans ce cas, sans signe fonctionnel, l’examen topographique et l’examen tomographique font le diagnostic de ces formes frustes ou débutantes.
Le kératocône aigu (ou hydrops cornéen) est la traduction d’une rupture aiguë de la membrane de Descemet. L’irruption d’humeur aqueuse à l’intérieur de la cornée provoque un œdème épithélial et stromal brutal et l’apparition d’une opacité profonde diffuse, à l'origine d'une baisse de vision, rougeur et irritation de l'œil. Il survient dans 2,5 à 3% des yeux atteints de kératocône.(5) Une consultation dans les 24 48 heures est préférable pour une prise en charge optimale. Elle consiste en un traitement local associant deux types de collyres, parfois oral, et une prise en charge chirurgicale peut être proposée pour accélérer le processus de cicatrisation.(6) Généralement, une greffe sera nécessaire dans un second temps (voir partie prise en charge).
1. Rabinowitz, Yaron S. Keratoconus. Survey Ophthalmol. 1998; 42: 297‑319.
2. Keith MM, Tuft SJ, Huang Y, Gill PS, Hayes S, Newton RH, Bron AJ. Changes in collagen orientation and distribution in keratoconus corneas. Invest Ophthalmol Vis Sci 2005; 46: 1948‑56.
3. Gatinel D. Eye rubbing, a sine qua non for feratoconus? Int J Kerat Ect Cor Dis 2016; 5: 6-12
4. Grieve K, Georgeon C, Andreiuolo F, Borderie M, Ghoubay D, Rault J, Borderie VM. Imaging microscopic features of keratoconic corneal morphology. Cornea 2016; 35: 1621‑30.
5. Fournié P, Touboul D, Arné JL, Colin J, Malecaze F. Kératocône. J Fr Ophtalmol 2013; 10: 618-26
6. Yahia Chérif H, Gueudry J, Afriat M, Delcampe A, Attal P, Gross H et al. Efficacy and safety of pre-Descemet’s membrane sutures for the management of acute corneal hydrops in keratoconus. Br J Ophthalmol 2015; 99: 773–777.